Banff Highline

Je me souviens comme si c’était hier du moment précis où, dans les bureaux de Yamnuska, Alison nous a annoncé: “Il va faire plutôt froid là-haut, de la neige, et -10.”

Mon matériel bleu était épars sur le sol pour l’inspection, et je le regardais avec assurance.

“Tu es sûre que ça va suffire?” demanda Alison, dubitative devant mes petites polaires et ma très légère veste. Sûre !! J’étais tellement confiante que j’en ai presque ri avec dédain, mais pas tout à fait parce que j’étais très impressionnée par Alison. Aussi, je venais tout juste de rencontrer le groupe et j’étais très impressionnée par le groupe, et c’était ma première fois dans les bureaux de Yamnuska et j’étais très impressionnée par Yamnuska.

Yamnuska est l’entreprise avec qui je fais mes treks en Alberta (qui sont bien partis pour devenir une tradition annuelle !). La scène se passe pendant la rencontre d’introduction de mon premier trek chez eux en Septembre 2017, celui que je vais appeler Banff Highline Modifiée (Banff était fermé en raison d’incendies). Alison, la guide, était la personne la plus formidable et balèze que j’ai jamais rencontré (désolée vous autres !), et le groupe était le groupe le plus balèze de tous les groupes. Alison racontait des histoires d’ours et d’avalanches, et le groupe était composé de randonneurs expérimentés, en meilleure forme que moi, habitués aux treks, aux ours, à camper, partageant des histoires formidables des endroits qu’ils avaient visités et des treks qu’ils avaient faits.

Si je me souviens de ce moment précis, c’est parce que, avec le recul, je réalise la stupidité incroyable de mon orgueil démesuré. La vérité, cher lecteur, était que cela ne suffisait pas du tout. Tout allait bien pendant la journée, en mouvement avec une bonne gestion de couches, mais la nuit… La nuit, je restais éveillée, seule dans ma tente, rêvant tour à tour de flammes, de fours, de plages tropicales, les feux de l’enfer, mon manteau d’hiver en duvet dans mon placard chez moi, l’enfer à nouveau, et finalement, ma chambre pendant une canicule. Parfois, je pédalais de toutes mes forces dans mon sac de couchage puis m’endormais pendant les 5 minutes de chaleur produite, puis me réveillait à nouveau. Parfois, je ruminais la question existentielle: c’est mieux en boule sur le côté, plus chaud mais le nez bouché, ou sur le dos, froid mais capable de respirer ? Parfois, je mettais même mes vêtements de pluie sur moi dans mon sac de couchage, parce que ça ajoutait une couche, et après tout, pourquoi pas?

*siffle* hé toi, là-bas, tu as l’air d’une créature assez idiote pour essayer de mettre tes vêtements de pluie dans ton sac de couchage!

Après la première nuit, Alison me remplissait une bouteille d’eau chaude pour faire bouillotte chaque soir, et je m’endormais en la serrant dans mes bras jusqu’à ce qu’elle soit froide. Puis là, je me réveillais, au milieu de la nuit, et attendait misérablement la fin de la nuit en somnolant.

Ces nuits difficiles n’étaient pas sans répercussions sur mon état général. En plus d’un effet secondaire plutôt marrant de rêves très marquants (une nuit, j’ai eu un rendez-vous galant avec une rock star qui s’est avéré être une vieille madame!), j’ai commencé après quelques jours à m’endormir spontanément à divers endroits. Que ce soit sur de la douce mousse de montagne, dans des prairies en fleurs, ou sur des rochers pointus, je m’endormais. Je me suis endormie dans le van qui nous ramenait à Canmore. Je me suis endormie dans ma baignoire. Je me serais endormie sur un roller coaster dans un concert de metal s’il y avait fait suffisamment chaud !

C’était une semaine de leçons, cher Lecteur. Et c’est avec bonheur que je vous les partage aujourd’hui, pour que mon orgueil démesuré, sévèrement puni, serve quand même à quelque chose…

Jour 1 – 19.7km

Journée facile et tranquille, principalement dans la forêt.

Leçon: Comment utiliser un vaporisateur chasse-ours, et de manière générale, comment se comporter en territoire Grizzly. (j’écrirais un article complet sur les grizzlys!)

Jour 2 – 15km

Petit détour par Mystic Lake…

Mystic Pass.

Certains d’entre nous font aussi un détour pour voir les Ink Pots

Qui sont… des choses rondes, dans l’eau?

Leçon: Il est plus facile de marcher sans sac à dos que de marcher avec un sac à dos très lourd. Je devrais mettre ça sur un t-shirt.

Comme je le dis moi-même dans mes notes en serrant contre mon coeur la première bouillotte de la semaine: “Tous les grizzlys du monde peuvent venir dans ma tente, je m’en fous”

Jour 3 – 10km

Beaucoup de leçons cette journée-là !

Leçon 1: La neige, c’est froid, mais quand c’est à moitié fondu et que ça vous tombe dessus par seaux, c’est encore plus froid, ça devrait même pas être permis.

Leçon 2: Une petite veste pour la pluie Hyvent ne va pas vous protéger d’une journée complète de neige fondue qui vous tombe dessus abondamment. Vous allez être trempé jusqu’à la moelle. Votre polaire va être tellement imbibée que vous pourrez l’essorer à plusieurs reprises à la fin de la journée. Pour moi, c’est le moment où j’ai décidé d’investir dans une veste en Gore-tex, et je ne l’ai jamais regretté depuis…

Leçon 3: Au moment exact où tout espoir est perdu, la neige/pluie s’arrête miraculeusement, le soleil apparaît soudainement… Dans notre cas, le magnifique Lac Llewellyn nous a accueilli dans toute sa beauté…

Extrait de mes notes: “Je ne sais pas si je vais survivre à demain. Bloubloubloub.”

Leçon 4: Le degré d’humidité des vêtements est important. Par exemple, si vous avez une couche ou des chaussettes légèrement humides, il suffit de dormir avec, et la chaleur de votre corps va les sécher. Mais – et ça, je ne l’avais pas vraiment réalisé avant cette nuit fatidique – à partir d’un certain degré d’humidité, l’effet inverse se produit. En gros, le vêtement humide reste humide, absorbe la chaleur de votre corps et vous laisse grelottant et misérable.

Jour 4 – 16km

Une partie de la journée sans sentier. Quand il n’y avait pas de sentier, Alison posait son sac, prenait son Bear Spray, disparaissait dans les buissons et réapparaissait ailleurs en disant tranquillement “C’est par là!”

Leçon 1: Les buissons n’ont aucun respect pour les créatures de petite stature comme certaines chouettes et vont les gifler copieusement, à plusieurs reprises, sans jamais s’excuser.

Si vous connaissez le nom de cette plante, dites-le moi ! Même si au fond de mon coeur elles resteront toujours les “Hippies Barbus”

Leçon 2: Si votre sac vous fait très mal au dos, demandez à Tracy, elle va faire des miracles avec les sangles et vous sauver la vie.

Extrait de mes notes: “Ça montait beaucoup, et ça descendait beaucoup.”

Jour 5 – 13.5km

Deception Pass

Skoki – de la civilisation ! On a même croisé quelques êtres humains !

Skoki lodge, ou nous avons souhaité un joyeux anniversaire à Alan !

Leçon: Un ravitaillement de nourriture, ça veut dire que le sac va peser plus lourd, mais ça peut aussi amener de belles surprises: Yamnuska nous y a ajouté des gants, de la soupe pour le lunch et d’autres accessoires pour le froid (et pour moi, une bouteille de combustible pour mes bouillottes ! Ma vie est sauvée !)

Jour 6 – 12.5km

Leçon 1: Une tente solidement congelée n’est pas pratique à ranger.

Leçon 2: Le froid peut vous faire faire spontanément des jumping jacks.

Day 7 – 20.5km

Molar Pass

Leçon 1: C’est un orignal, des orignaux. En anglais, c’est 1 moose, 2 moose, alors que ça devrait logiquement être, selon moi, 2 meese.

Leçon 2: Se nettoyer le visage pendant 1 semaine avec des lingettes de mauvaises qualité (et congelées) peut transformer votre peau en steak haché et vous faire ressembler à Deadpool sans le masque, version chouette. (celle-ci est horrible)

Leçon 3: Après une semaine à dormir très mal à cause du froid, vous allez très mal dormir dans votre chambre d’hôtel… à cause de la chaleur…….. Un comble !