Trois Petits Cochons

A la suite de mon rendez-vous avec le loup, j’avoue avoir été quelque peu abattue, et avoir même perdu mon habituelle joie de vivre et légèreté quotidienne. Afin de vous illustrer mon état d’esprit efficacement, je vais vous raconter l’histoire de moi racontant l’histoire des Trois Petits Cochons au petit Jimmy.

Mon amie Muffin le Hamster m’avait invité à souper chez elle un soir, peu de temps après le rendez-vous fatidique, et m’avait demandé d’apporter un livre dans le but de lire une histoire à Jimmy son fils, étant donné que Jimmy, le doux innocent ange, aime ça quand je lui lis une histoire. Enfin, il aimait ça.

Cher lecteur, j’ai le distinct honneur de vous présenter ma chère amie Muffin!

J’étais d’humeur sinistre. Muffin est une amie formidable dans n’importe quelles circonstances, mais elle a parfois une certaine tendance à faire des grands discours de remontrance quand les choses ne se déroulent pas comme elle veut. Dans ce cas-ci, elle voulait que le rendez-vous avec le loup se passe bien. Du coup, elle prit ce qui m’a semblé de longues heures à m’expliquer en long, en large, et en travers, comment et pourquoi je devrais rencontrer quelqu’un, et ce que je devrais faire, à un tel point qu’une fois sa harangue terminée, je me sentais absolument désespérée et maudite.

Puis elle me demanda:

“Tu as apporté une histoire pour Jimmy?”

J’opinai.

“C’est un vieux livre que j’ai trouvé chez un bouquiniste. Il y a l’histoire des Trois Petits Cochons dedans…

-Parfait ! Qu’est ce que tu en penses Jimmy ?”

Jimmy souriait béatement. Muffin l’embrassa et quitta la chambre. Une fois assise, après avoir poussé un grand soupir et broyé du noir quelques instants, je me repris en main, et, essayant de sonner joyeuse et pleine d’entrain, ouvrit le livre et commença.

“Ok Jimmy, prêt ? Allons-y avec les petits cochons !!

Installe-toi confortablement pour une belle histoire constructive!

L’HISTOIRE DES TROIS PETITS COCHONS

Il était une fois, il y a de cela longtemps, une vieille truie qui avait trois petits porcelets, et comme elle n’avait pas de quoi les nourrir, elle les envoya de par le monde chercher fortune.

Ah ben ça commence bien. Je suis sûre que ta Maman ne fera jamais une chose pareille! Enfin peut-être, mais quand tu seras plus vieux. Beaucoup plus vieux. Hum.

Non mais regarde un peu ces cochons ! Ben la, je comprend pourquoi leur mère les a mis à la porte !! Celui la, il a l’air d’un demeuré, l’autre, il a l’air bourré, et le troisième, on dirait un gros pervers vicieux…

Je vois la Brute, je vois le Truand, mais je ne vois rien de bon la dedans…

 

Le premier rencontra un homme qui portait une gerbe de paille et lui demanda : « S’il vous plaît, Monsieur, donnez-moi cette paille pour construire ma maison » ; il la lui donna…

Dis donc, il est bien gentil ce monsieur. Je suis sûre que cette gerbe de paille était son seul revenu pour le mois, et il le donne au premier cochon débile qui passe. Pauvre homme.

…et le petit cochon s’en fit une maison.

Ça devait être une sacrée gerbe de paille en plus, si elle était assez grosse pour en faire une maison !

C’est alors que le loup se présenta…

Et attention, voilà un loup. Je pourrais t’en raconter des belles à propos des loups. Déplaisantes créatures.

…et frappa à la porte en disant : « Petit cochon, petit cochon, laisse-moi entrer ! » Ce à quoi le cochon répondit : « Certainement pas, par le poil de mon menton, ton, ton. »

Menton ton ton . Ridicule.

« Alors, je vais prendre mon souffle et souffler et détruire ta maison ! » lui dit le loup. Il prit son souffle, puis souffla et détruisit la maison et dévora le petit cochon.

Certes, il est mort dans d’atroces souffrances, mais nous pouvons être réconforté par la pensée qu’il n’a rien compris de ce qui lui arrivait, parce que c’était un gros crétin.

Du coup, le pauvre homme de tout a l’heure a sacrifié sa paille gratuitement pour rien. Pour être bien claire, ses enfants vont souffrir de la faim et du froid pendant des semaines parce qu’il a donné tout ce qu’il avait à un cochon tellement stupide que ses derniers mots sont “Par le poil de mon menton ton ton”!

Le second cochon…

L’ivrogne. Aussi, maintenant que j’y pense, pourquoi les 3 frères sont partis chacun de leur côté ? Ils auraient pu rester ensemble non ? Surtout s’il y a des loups qui rodent ? Ah, une belle famille, tiens !

…rencontra un homme qui portait une brassée d’ajoncs et lui dit :« S’il vous plaît, Monsieur, donnez-moi ces ajoncs pour construire ma maison » ; il les lui donna et le petit cochon s’en fit une maison.

Les gens sont très généreux dans ce pays. Ou très bêtes. En tout cas, il faut avoir ingurgité une grosse quantité d’alcool pour penser qu’une maison en ajoncs, c’est une bonne idée !

C’est alors que le loup se présenta et frappa à la porte en disant : « Petit cochon, petit cochon, laisse-moi entrer ! » « Certainement pas, par le poil de mon menton, ton, ton. »

Et Menton ton ton encore. Celui la, on comprend mieux, il est tellement beurré qu’il se rend pas compte que ça sonne idiot.

« Alors, je vais prendre mon souffle et souffler et détruire ta maison ! »

Alors je remarque quand même que ce loup a une certaine tendance à déclamer ses plans haut et fort à l’avance.

Et il prit son souffle, puis souffla,

Je suis pas mal sûre qu’il y a des moyens beaucoup plus facile de détruire une maison en ajoncs que de postillonner partout dessus…

il souffla encore et reprit son souffle et finit par détruire la maison et dévora le second petit cochon.

Il est mort en faisant ce qu’il aimait…

Et voilà, c’est de toute évidence ce qui arrive quand tu es trop imbibé pour t’enfuir. L’alcool tue, petit. L’alcool tue.

Le troisième rencontra un homme qui portait un chargement de briques ; il lui dit : « S’il vous plaît, Monsieur, donnez-moi ces briques pour construire ma maison » ; l’homme lui donna les briques…

Non non non, ça, je peux pas le croire. De la paille, des ajoncs, et maintenant, des briques ? Est-ce que les cochons sont sacrés dans ce pays ? Peu probable. Ma seule théorie logique est que ces cochons sont des bandits de grand chemin. Et ce cochon là, on lui a donné ce camion de briques parce qu’il avait une cagoule sur la tête, et il menaçait le pauvre homme avec une arme, ou il l’a peut être même carrément assassiné. Dans tous les cas, je suis pas mal sûre qu’il n’a pas dit ni merci ni s’il vous plaît. Regarde un peu sa tête. C’est plus un faciès de cochon qui assassine des gens que celui d’un cochon qui dit s’il vous plaît.

 

Les briques ou la vie, manant!

… et le petit cochon s’en fit une maison.

Tout seul ? Une maison en brique ? Je crois plutôt qu’il a menacé une équipe entière de maçons, et qu’il n’a jamais payé personne un seul centime !

C’est alors que le loup se présenta…

Ce loup ne sait pas qu’il a affaire à un criminel endurci.

…comme il avait fait avec les deux autres cochons : « Petit cochon, petit cochon, laisse-moi entrer ! »

Et hop, c’est reparti…

« Certainement pas, par le poil de mon menton, ton, ton. » « Alors, je vais prendre mon souffle et souffler et détruire ta maison ! » Et Il prit son souffle, puis souffla,

Pas très malin, le loup.

il reprit son souffle et souffla, il souffla encore et reprit son souffle…

Mais persévérant, il faut le reconnaître !

… et mais ne put détruire la maison.

En y réfléchissant un peu, pas une grosse surprise.

Quand il comprit qu’il n’y arrivait pas malgré tous ses efforts, il dit : « Petit cochon, je sais où se trouve un beau champ de navets. » « Où ça ? » demanda le petit cochon. « Dans le champ de Monsieur Smith ; et si vous êtes prêt demain matin, je viendrai vous chercher, nous irons ensemble chercher notre repas. »

Je ne suis pas sûre que Monsieur Smith va apprécier ce plan. Il a travaillé très dur pour ces navets.

« Très bien, » dit le petit cochon. « Je serai prêt. À quelle heure comptez-vous y aller ? » « À six heures. »

Ce loup n’a pas inventé le fil à couper le beurre. On a l’impression qu’il est très fier de son plan. Lui même, il n’y voit aucun défaut. Si un Tyrex affamé débarquait et lui promettait des navets à 6h, il arriverait en sifflotant à 6h, et serait tout choqué d’être dévoré par le Tyrex.

Le lendemain, le petit cochon se leva à 5h, alla chercher les navets et rentra chez lui avant 6h du matin.

Ah tu vois, je t’avais bien dit que ce cochon était un voleur. Pauvre Monsieur Smith. Encore une autre victime de cette famille de cochons criminels.

J’espère que tu écoutes bien, Jimmy.

Quand le loup arriva et lui demanda : « Petit cochon, êtes-vous prêt ? »

J’avoue que je commence à aimer ce loup. Il est quand même très attendrissant. Je suis sûre qu’il était arrivé à la maison en brique un peu en avance, mais qu’il a attendu quelques minutes parce qu’il ne voulait pas déranger le cochon avant 6h.

« Prêt ! » répondit le petit cochon. « J’y suis déjà allé et j’en suis revenu et j’ai rapporté une bonne potée pour mon repas. » Le loup était furieux…

Et avec raison ! Pense donc, avec ce cochon qui la ramène avec ses navets, sans même lui dire merci, alors que c’était quand même le tuyau du loup à la base, de voler les navets de ce pauvre Monsieur Smith.

…mais se dit qu’il aurait le dessus, d’une façon ou d’une autre ; aussi lui dit-il : « Petit cochon, je connais un endroit où se trouve un beau pommier. » « Où ça ? » demanda le cochon. « Dans le jardin du bonheur, » répondit le loup ;

Encore un vol.

« et si vous ne trichez pas…

Ce cochon, ne pas tricher ? Ô triste et naïf chérubin lupin !

…je viendrai vous chercher demain matin à 5h pour que nous y allions ensemble chercher des pommes. » Alors le petit cochon se leva à quatre heures le lendemain matin…

Tandis que le loup était en train de dormir paisiblement, le doux innocent agneau…

et se prépara et partit chercher les pommes dans l’espoir d’être de retour avant l’arrivée du loup ; mais le chemin était plus long, et il lui fallut grimper dans l’arbre, et il en descendait juste quand il vit arriver le loup qui, vous vous en doutez bien, lui procura une grande frayeur.

Je doute fortement que quoi que ce soit procure une grande frayeur à cet horrible cochon.

Quand le loup arriva, il lui dit : « Petit cochon ! Comment cela ? Vous êtes arrivé avant moi ? Les pommes sont-elles bonnes ? » « Oui, très bonnes, » répondit le petit cochon ; « Je vais vous en envoyer une. »

Comme quoi, savoir lancer une pomme, ça peut sauver la vie !

Et il l’envoya si loin que le temps que le loup aille la chercher, il sauta à terre et se précipita chez lui.

Pourquoi le loup s’est-il senti obligé de chercher cette pomme ? Est-ce qu’il  mange des pommes ? Est-ce que c’était par pur plaisir, comme un chien avec une balle ? Est-ce que ce pauvre loup était en train de jouer en courant joyeusement après la pomme lancée par le cochon vicieux ? Est-ce qu’il ne suffirait pas que le cochon lui gratouille le ventre, et le laisse dormir devant sa cheminée ?

UNE BALLE!!

Le lendemain, le loup revint et dit au petit cochon. « Petit cochon, il y a une foire en ville cet après-midi : voulez-vous y aller ? » « Oh oui, » répondit le cochon, je veux vraiment y aller ; à quelle heure comptez-vous être prêt ? » « À trois heures, » répondit le loup.

Non mais là, ce pauvre loup me fait de la peine. Pourquoi est-ce qu’il n’essaie pas une autre tactique ? On dirait qu’il trouverait ça malhonnête de se cacher dans les buissons et de sauter sur le maudit cochon la prochaine fois qu’il sort se balader. Non, il faut qu’il lui dise avant et qu’il lui donne rendez-vous, histoire de lui laisser une chance. Un vrai gentleman. Pas du tout comme les autres loups que je connais.

Alors le petit cochon partit avant l’heure, comme les autres fois, et s’en fut à la foire et acheta une baratte pour le beurre.

Hein, quoi ? Pourquoi il aurait besoin d’une baratte pour le beurre ? Est-ce qu’il a une vache ? On n’est au courant de rien ! Il a volé une vache, c’est ça ? Bon au moins, il a acheté la baratte.

Sur le chemin du retour, il vit le loup arriver et ne sut que faire. Alors il se faufila dans le tonneau en bois…

Comment ça ? C’est assez gros pour qu’il tienne dedans ? Mon dieu, mais il a volé un troupeau entier ! Est-ce que Monsieur Smith est au courant ? Aussi, question comme ça, comment il fait pour porter, ou travailler avec une baratte plus grosse que lui ? Ce cochon est au coeur de beaucoup de sombres mystères.

… qui se renversa et se mit à rouler, rouler jusqu’en bas de la colline, avec le cochon à l’intérieur, en faisant un tel tapage que le loup prit peur et repartit chez lui en courant sans aller à la foire.

Mais quelle est cette créature infernale??

Pauvre loup.

Il alla chez le petit cochon et lui raconta sa grande frayeur en voyant une chose ronde énorme dévaler la colline prête à l’écraser.

…et, et ça m’a couru après, et j’ai appelé Maman, et…

Ooooooh l’adorable chouchou ! De toute évidence, il veut juste un ami. Et un jouet qui couine. Vas-y cochon, juste dis-lui que c’est un bon chien-chien !

Alors le petit cochon lui dit : « Ah, ah ! C’est moi qui vous ai effrayé, n’est-ce pas ? J’étais allé à la foire acheter une baratte pour le beurre et quand je vous ai vu, je me suis faufilé à l’intérieur et j’ai dévalé la colline. »

On l’imagine tout à fait pédant et triomphant. Il est là, avec son monocle et son col haut, criant de la fenêtre de sa grosse maison en brique, il regarde de haut le loup affamé et miteux, et il se moque de ce plouc qu’il a presque écrasé avec sa grosse voiture/baratte. Ce conte est un véritable commentaire social, je te le dis !

Alors le loup entra dans une grande fureur…

Revolution ! Socialisme ! Communisme ! Anarchie !!

 

Camarades, AUX BARRICADES!!

… en lui criant qu’il allait le dévorer

Il a bien raison !

…et qu’il allait descendre par la cheminée.

Encore une fois, il se sent obligé d’expliquer son plan au maudit cochon.

Quand le petit cochon vit ce qu’il était en train de faire…

Oui, ben il vient juste de te le dire, non ?

…il suspendit dans le foyer un pot plein d’eau,

Je n’aime pas trop la direction que ça prend.

…enleva le couvercle et le loup dégringola dedans.

Le petit cochon se dépêcha de refermer le couvercle, le mit à bouillir, le mangea au dîner

IL A MANGÉ LE LOUP ! IL L’A BOUILLI VIVANT ! Ce pauvre, gentil loup, qui ne voulait qu’un ami après tout, et qui ne pouvait pas s’empêcher de proclamer ses plans en avance… Il est mort dans d’atroces souffrances, et il a été dévoré ! Le cochon ! Le cochon ! Il l’a tué ! JE TE L’AVAIS DIT QUE C’ÉTAIT UN VIOLENT MEURTRIER !

…et vécut en paix pendant des années.

Bon, ben voilà, c’est fini. Sympa comme histoire. Bonne nuit !”

La Fin.