Séparations

C’est le dernier jour. L’univers comprend ce que je ressens, trouve que c’est triste, et nous enveloppe de brouillard pour s’accorder à mon humeur ce matin. Les guides m’expliquent le programme : jeep, marche, séparation, marche, jeep, séparation. Oui, Alain et Claude continuent, leur trek dure 2 semaines. Deux semaines !! A ce moment précis, je donnerais n’importe quoi pour pouvoir continuer avec eux…

Dans la jeep, ils mettent du Brel, mais la combinaison de paysage embrumé, de grisaille, de mélancolie et des Vieux Amants est trop pour moi, et quand j’entends l’introduction de Ne me Quitte pas, je demande, les yeux embués, si c’est possible d’écouter autre chose, pour cause de danger imminent de sanglots pathétiques au fond de la jeep du patron. Peut-être un  peu de Compagnie Créole serait plus approprié, dis-je. Ils se précipitent sur la radio et mettent quelque chose de neutre, je retombe dans mon admiration du paysage, mes yeux se sèchent, le drame est évité de justesse.

Chouette me dis-je, vraiment on n’a pas idée de traumatiser des pauvres guides qui ont été tellement gentils avec toi ! Un peu de tenue !!

Mais ne vous inquiétez pas, cher lecteur, mon euphorie habituelle est vite revenue en marchant. J’aime tellement le brouillard, son mystère, les formes floues qui se dessinent au loin,  surgissent à un détour, et le silence ouaté qui nous entoure… Après une longue montée où nous arrivons à la hauteur des névés (ce qui en Islande correspond à…. Pas si haut que ça!) qui apparaissent comme de gros fantômes blancs sur le sol noir.

Yoan s’arrête, nous attend, et nous annonce: “Voila, ici c’est une de mes vues préférées de toute l’Islande.“

Nous rions, le brouillard est tellement épais que je n’avais même pas réalisé qu’on était arrivé en haut de quelque chose !

Le brouillard se lève lentement, et quand arrive l’heure du dernier lunch, il pleut et nous sommes à l’abri d’un rocher.

Pas sous un névé, c’est très dangereux !

Yoan nous emmène à une source naturelle hors des sentiers qui est encore inconnue du public.

Les gars s’y plongent, sans moi, je n’ai pas le courage de me déshabiller pour remettre mon maillot humide (vous avez remarqué sur les photos, il n’y a pas vraiment de petit endroit ou se cacher pour se changer tranquillement dans ce pays, il faut marcher des kilomètres), surtout qu’il faut que dans une heure je sois prête à partir…

Oh et il y a aussi le fait que la source ressemble à ça

Et déjà il faut se séparer de Yoan, Guillaume, Alain et Claude et entamer le trajet du retour, accompagnée de Ben le Belge.

Le voile du brouillard s’est complètement dissipé, les lourds nuages de pluie se sont éloignés, il fait beau à présent : la vue dont parlait Yoan le matin nous apparaît au retour dans toute sa splendeur.

Vraiment, aucune photo ne lui rend justice….

Voilà la jeep, et Quentin qui nous ramène au campement.

Puis il faut se séparer de Quentin, Viktor, la jeep, le camp, et monter dans le bus pour Reykjavik.

Ben (le belge) reste avec moi et est gentil, il me montre un endroit où Walter Mitty a été tourné, il m’offre une boisson gazeuse islandaise, mais voilà, on arrive à l’hôtel et il faut aussi se séparer du Belge.

Et dans l’hôtel, c’est le moment d’enlever les fameuses guêtres : l’aventure est finie. Je dois me retransformer en Chouette de tous les jours. Et pour ça, il va me falloir une bonne douche.

Vue de l’hôtel

Le lendemain finalement, ça m’arrache le coeur de me séparer de l’île, sans l’avoir vraiment visitée: après tout, je suis venue, j’ai vu la porte de l’enfer, j’ai vérifié si elle était bien fermée, et je suis repartie…