Le lendemain de la terrible tempête, après un rapide petit déjeuner, je me suis postée devant l’hôtel et j’ai impatiemment attendu que la compagnie de trek vienne me chercher. Chaque minute durait environ une heure, du coup j’en étais au stade ou j’étais absolument sûre qu’ils m’avaient soit oubliée soit abandonnée quand ils sont arrivés! J’ai même eu le droit de m’asseoir devant dans la jeep, et j’ai essayé très fort de ne pas être trop bizarre tout de suite. On s’est rapidement arrêté aux bureaux de la compagnie de trek pour récupèrer le matériel avant d’aller au parc Friðland að Fjallabaki.
Ainsi commence le trek aux Portes de l’Enfer.
Bien sûr, je n’ai pas pensé à resserrer mes chaussures avant de commencer à marcher (j’étais sûrement trop occupée à m’extasier sur quelque chose) du coup j’ai une petite ampoule, qui va m’embêter quelques jours, mais je me suis dit tiens Chouette, c’est bien fait pour toi, c’est pas comme si c’était ta première randonnée ou quoi!
Première montée, première vue
Le groupe est chouette. Je vais faire les présentations, mais avant je tiens à dire qu’ils étaient tous sympathiques et chaleureux et gentils, et je les aime tous. Voici leur nom, fonction, et description, tels que gribouillés dans mon journal sur le moment.
- Yoan Le Guide (guide)
- Guillaume le guide en vacances (un ami des guides)
- Ben le forestier belge (guide accompagnateur qui filme)
- Viktor le photographe qui connait le Canada (un ami des guides qui reste dans la jeep)
- Quentin le gentil ours qui aime Brel et qui m’a réparé mes lunettes avec du scotch après que je me sois accidentellement assise dessus (le conducteur de la jeep)
- Alain et Claude le couple de français tranquilles qui ont eu la flemme de se relever pour des aurores boréales
- Mathilde qui vit à la Réunion et qui est trop cool
Oui, il y a plus de guides que de non-guides, autant dire qu’on est bien encadrés !
Les lunettes et l’ours – aventure en trois actes, du point de vue de la Chouette
Oh drame, Oh désespoir ! Oh lunettes ennemies !
Mais quel est derrière moi ce monstre qui rugit ?
Ce n’est autre que l’ours, mon doux et tendre ami !
La fin.
C’est la première journée, alors je suis sérieuse et je me tiens bien, et je pose même des questions intelligentes à Yoan (ça ne va pas durer). En plus de donner plein d’infos très intéressantes (que j’ai bien entendu oubliées aussitôt) pendant le trajet, j’ai vite appris que dans son sac, il avait des thermos d’eau chaude, du thé, du café, et des gâteaux. Ajoutez à ça qu’il savait où on était, et où on allait, et vous comprendrez que Yoan était l’homme important du groupe.
Dès le premier jour – dès notre première pause – je n’ai pas pu dissimuler l’étincelle de joie pure qui apparaît dans mes yeux au doux mot `gâteau` et j’ai vite acquis une… réputation.
Tout au long de la semaine, si un paquet de gâteau disparaissait, ou était fini subrepticement, j’étais aussitôt accusée, malheureusement souvent avec raison, d’avoir activement participé au méfait. La bouche pleine, rougissante, l’air angéliquement innocent, j’ai jour après jour protesté contre l’infamie de ces diffamations, sans succès.
Bref, comme à la maison.
Mathilde est devenue une amie instantanément, et un soutien dans les trucs plus intimes (je me souviens d’un problème de porte de salle de bain le deuxième jour, qui a soulevé de grandes discussions), et la grande question de : dois-je prendre une douche, ou pas, la douche est-elle propre et chaude, ou pas.
Les guides et guides secondaires avaient tous autour de la trentaine, et sont aussitôt devenus (dans mon esprit en tout cas) mes frères/cousins/autres adoptifs.
L’ambiance était dès le premier jour, plus familiale que dans ma famille. Des rires, une atmosphère paisible et sympathique avec des gens passionnés et passionnants…
Autre détail : nous étions tous français. Tous. Français. (certes, à part le Belge) Disons qu’il n’y a pas eu de grand choc culturel.
Revenons à nos moutons et à notre toute première montée, laissant derrière nous les fermes et la verdure, et découvrant un paysage extraordinaire, avec au milieu, l’Hekla.
Derrière nous, les fermes
Le fameux Hekla, du haut de ses 1491m, avec ses multiples cratères sur 5km, domine la région, mais d’après mes observations d’en bas, la vue de son sommet est certainement la moins intéressante de l’île. Il a constamment la tête dans les nuages (c’est d’ailleurs la signification de son nom !) et je pense que sur les 3 jours où je l’ai côtoyé, je n’ai aperçu son sommet qu’une fois, et pendant 5 minutes. Oui, c’est un volcan rêveur… Ou peut être est-ce sa grande taille, qui attire l’attention des nuages avoisinants (et il y a beaucoup de nuages qui défilent en Islande !) ? Ils viennent alors tous se coller à lui, traversent des océans pour venir présenter leurs respects et toucher sa vénérable tête, et semblent parfois l’étouffer un peu !
Pauvre Hekla. C’est aussi l’équivalent volcanique du gars qui a un rhume de foin dans l’avion : susceptible d’un moment à l’autre de produire de violentes explosions suivies de coulées de lave. Pensez un peu : ses éruptions ont toujours été tellement spectaculaires que l’Europe entière, en les observant de loin, a dit : Yep, la porte de l’enfer, c’est bien ici, pas de doute !
Non seulement la vallée entière a été façonnée par ses éruptions, mais on a parait-il retrouvé des traces de ses crises de nerf jusqu’en Écosse, et au-delà !! Comme un enfant qui retient son souffle pour mieux crier, la crise est plus forte si elle met plus de temps à venir. La prochaine est en retard, donc accrochez-vous…
Ceci dit, il est beau, regardez-le là, tout tranquille, majestueux, avec son éternel chapeau de nuages…
Est-ce que j’ai déjà dit que l’Islande était le pays des arc-en-ciel? Je n’en ai jamais vu autant… Il faut dire que le temps change tellement vite qu’il y a toujours beau temps et pluie à la fois. On le voit vraiment sur cette photo…
Il faisait quel temps ? Oh, il faisait mi-beau!
Accrochez-vous, voici des arbres !! Oui, ils ont l’air en position précaire, ils sont tordus, rabougris, et pas franchement majestueux, mais ce sont des arbres ! Les seuls du trek. Une occasion pour Ben le Belge garde-forestier ! Oui, les gens se moquent de lui quand il dit qu’il est garde-forestier en Islande, mais voici la preuve qu’il y a des arbres !
Je soupçonne une tentative d’invasion extra-terrestre. Appelez le Docteur.
C’est une journée courte. Nous arrivons bientôt au refuge.
Dans la soirée, avant d’aller nous coucher, Mathilde et moi affrontons le froid dehors pour regarder le ciel, et voir s’il y a des aurores boréales. C’est un peu nuageux, mais en nous éloignant de la lumière, nous voyons clairement une tâche blanche lumineuse derrière les nuages…
Blanc ? Ce n’est pas une aurore alors ! On a vu des photos, les aurores, c’est pas blanc ! Est-ce que c’est un show, des projecteurs, une ville ?
(Réfléchissant à leur situation géographique au milieu de nulle part) mmmmh peu de chance.
Timidement (c’est le premier soir !), nous allons chercher les guides pour demander, qu’est-ce que c’est donc que cette lumière blanche ?
Réponse ? Ah ben une aurore bien sûr !
Nous voilà tous la tête en l’air… On la voit bien parfois, elle bouge un peu, c’est à la fois fabuleux, et inattendu (pourquoi c’est pas vert ???), mais au final, il y a trop de nuages et nous allons nous coucher.