Le lendemain matin à mon réveil, émergeant avec difficulté de la meilleure nuit de sommeil de ma vie, j’ai découvert un splendide matin brumeux sur les plaines canadiennes. J’ai tellement bien dormi dans ce train, que j’avoue avoir passé la plupart de mon temps éveillée à réfléchir à des moyens de reproduire le mouvement et le ronronnement incessant du train dans ma chambre chez moi, imaginant des installations complexes et d’étranges nacelles vibrantes.
Le meilleur moyen de s’endormir paisiblement…
Avec tristesse, je confesse n’avoir pris aucune photo du brouillard sur les prairies… C’était tellement mystérieux et fascinant que j’ai complètement oublié de l’immortaliser. Aussi, nous étions en retard pour le petit déjeuner, et j’avais très faim.
Je me sentais dans une forme du tonnerre, entre l’absence d’arbres étouffants, une nuit de sommeil époustouflante, et le petit déjeuner. La vénérable Chouette Blanche, quant à elle, était tristement mal fichue. Heureusement, le train s’est arrêté pour quelques heures à Winnipeg.
La Chouette Blanche avait tellement hâte de sortir de ce qu’elle appelait de manière imagée cet engin d’enfer, qu’elle bloqua les minuscules couloirs, et causa un certain délai dans l’ouverture des portes. Puis elle s’enfuit au loin, hululant et sautillant légèrement dans la gare de Winnipeg.
Le soleil brillait, les oiseaux gazouillaient, et c’était tellement agréable d’être dans l’air frais pour quelques heures que nous n’avons rien fait d’autre que nous promener tranquillement dans le parc proche de la gare.
Il y avait aussi le Musée des Droits de la Personne. J’espère un jour revenir à Winnipeg et le visiter: ce musée à l’air formidable. La Chouette Blanche étant d’une opinion diamétralement opposée, je vais vous faire ici une comparaison point par point des deux avis, et vous, cher lecteur, choisirez.
Le bâtiment:
J’aime ce bâtiment, mais ça doit être compliqué de trouver du mobilier adéquat !
Moi: Wow ! Incroyable ! Fabuleux ! Comme un gracieux mouvement de danse enveloppant l’espoir dans un geste d’amour ! J’adore !
CB: Aaaah quelle horreur ! Cachez-moi cette monstruosité ! Hors de ma vue ! Je le déteste !
Le thème:
Une réflexion sur les Droits de la Personne, leur histoire, la perspective Indigène, et beaucoup de choses à propos de génocide. Selon le musée lui-même, il s’agit d’un parcours de l’ombre à la lumière, et On peut très bien faire un parallèle entre ce parcours singulier et celui des droits de la personne : les deux requièrent des efforts et présentent bien des virages et des détours, mais dans les deux cas, le fait d’aller jusqu’au bout est très gratifiant.
Moi:
Bon, là tout de suite, je préfère marcher dans le soleil parce que j’ai été coincée dans un train pendant 2 jours, mais j’espère revenir faire ce voyage, même si c’est difficile. J’apprendrais certainement beaucoup de choses et en sortirais transformée et grandie.
CB:
Quoi ? Il y a une galerie complète juste sur l’Holocauste ? Et d’autres génocides ? Non mais c’est horrible ! Ils doivent être les grands gagnants du prix du Musée le Plus Déprimant ! Eh ben, il faudrait me payer drôlement cher pour que j’entre dans ce truc-là !
Comme vous pouvez le constater, pas tout à fait les mêmes opinions.
Aussi, il faut que j’ajoute que j’aime tous les musées (les musées, c’est trop génial !) et mon honorable parente ne partage pas cet intérêt particulier. Pour moi les musées, c’est un peu comme Dickens. Aller, on va faire les 2 points de vue à nouveau, cette fois à propos de musées.
Moi:
UN MUSÉE ! YOUHOU ! Allons-y pour voir des choses et apprendre des choses ! Comment ? Tu n’es pas intéressée par le Musée des Rapports Miniers et Câbles Télégraphiques ? Deux sujets auxquels je ne connais absolument rien, je suis sûre que c’est très intéressant et on apprendra plein de choses ! Regarde ! Il y a une boutique ou on peut acheter du vrai câble ! Woohooo !!
CB:
Oh non Chouette Bleue, pas un AUTRE musée. Est-ce qu’il y a des tableaux dans celui-ci ? Je veux seulement voir des tableaux. Non pas ce genre de tableau. Seulement certains tableaux. Et ce n’est pas un tableau ça, c’est une carte postale avec une photo de câble dessus.
Avant de faire un effort surhumain et de parler d’autre chose que de musées, il faut que je clarifie que ma chère maman a beaucoup souffert de ma passion, et m’a suivi patiemment, pendant des heures, dans de nombreux musées. Avec le temps cependant, elle s’est quelque peu lassée de mon enthousiasme sans borne, ainsi que des subterfuges que j’utilise pour l’entraîner avec moi à son insu.
Retournons donc à Winnipeg !
Bonjour messieurs-dames, belle ville pour élever des enfants, n’est-ce pas ?
Le parc proche de la gare dans lequel nous nous baladions nonchalamment, est un complexe touristique pour volaille. En effet, il se trouve à une fourche entre plusieurs rivières, et est fortement apprécié par les oies et leurs oisons, les canards et leurs canetons, un pigeon égaré ou deux, et quelques libellules en état avancé d’ébriété. Hélas, notre escapade ensoleillée fut bientôt terminée, et nous fûmes bientôt de retour dans notre cabine exigüe.
Regardez un peu comme on y voit loin!!
J’ai beaucoup aimé traverser les prairies. Je ne suis pas devenue folle comme pour la forêt. On voit l’horizon de tous les côtés, le colza chatoyait d’un jaune somptueux, les roseaux ondulaient dans le vent, le temps changeait, pluvieux par endroit, radieux ailleurs – il y a même eu un gros éclair !!
Bonjour arbre flou ! (et les magnifiques champs de colza derrière…)
Le train défilait devant des vaches et leurs veaux (c’est toujours divertissant), les bisons et leurs petits (c’est quelque chose de voir des bisons dans les prairies canadiennes, même si c’est juste une ferme !), les oiseaux noirs avec le rouge dans l’aile (dont je ne me souviens jamais du nom), quelques chevaux pensifs, deux ou trois chiens arrogants, et des canards. Des milliers de canards. Des millions de canards. Cet endroit est de toute évidence un paradis du canard, une métropole de canard, un festival de canard, laquelle surabondance excessive de ces palmipèdes me fait croire qu’ils vont bientôt renverser notre civilisation.
En tout cas, une chose en entraînant une autre, j’avais déjà fini de tricoter ma première mitaine.
Dans la soirée, nous sommes entrés dans le Saskatchewan, et nous sommes descendus quelques minutes dans une ville du nom de Melville, où j’ai pris cette photo du grain du futur. J’ai été très impressionné par ce grain.
Sûrement très excitant quand on s’y connait en grain !
Pour survivre à son épreuve du train, mon honorable ancêtre a développé une technique où elle jaillit du train comme une fusée quand il s’arrête, disparait à l’horizon tandis que les autres passagers et moi-même flânons sur le quai, et ne met le pied dans le wagon qu’au moment où les portes sont fermées, après le ALL ABOARD.
Ah oui, je ne vous ai pas parlé du ALL ABOARD. En français, ce serait EN VOITURE, c’est beaucoup moins intéressant.
Il y a dans le train, un concierge pour chaque wagon, qui est responsable de monter et descendre les lits dans les cabines matin et soir, et autres diverses tâches. Ce concierge ouvre la porte de son wagon pour que les gens descendent, et quand il reçoit le signal disant que le train a fini ses affaires et va repartir, il crie gaiement ALL ABOARD! Un peu comme s’il était un pirate montant à l’assaut d’un navire marchand avec un sabre dans une main, une corde dans l’autre, et un couteau entre les dents. Enfin, il mettrait le couteau entre ses dents après avoir crié ALL ABOARD, puis il ne dirait sûrement pas EN VOITURE mais plutôt A L’ABORDAGE, ou AaAaarh ou quoi, mais vous voyez ce que je veux dire.
En tout cas, c’est marrant !
Le coucher de soleil était magnifique.
La dame à la voix de stentor n’est plus à bord. A mon avis, elle a été assassinée dans la nuit comme prévu, je n’ai rien entendu parce que j’étais droguée, ce qui expliquerait mon sommeil si profond. Au cours de mon investigation, j’ai découvert que tout le personnel du train avait changé à Winnipeg ! La conspiration est pire que ce que je pensais. J’espère m’en sortir vivante. J’ai vu un avion comme dans le film d’Hitchcock (vous savez lequel je veux dire, celui avec l’avion et les champs de maïs!) tourner en rond alors que le train passait… Sûrement lié à la conspiration. C’est sûr.