Le Canadien – Jour 1

Nous sommes entrés dans le Canadien à 1h du matin, et nous nous sommes donc couchés directement. Ma vénérable génitrice n’étant pas aussi agile qu’elle l’était, j’ai eu la couchette du dessus, et en était très contente, car tout le monde sait que c’est la meilleure. Les draps étaient blancs et doux, le train grondait bruyamment, et, agréablement balancée et secouée, je m’endormis aussitôt.

Pas ma pauvre chère Maman. En effet, le mouvement constant du train ne lui réussissait pas, et au cours des prochains jours, elle n’était jamais aussi bien que dehors, les deux pieds sur la terre ferme. Dans le train, elle était d’une couleur verdâtre, avec une tendance prononcée à l’irascibilité, et un penchant certain pour refuser de trouver un aspect positif à quoi que ce soit.

À mon réveil, alerte et rafraîchie, je suis vaillamment partie explorer notre nouvel environnement.

Eh bien, pour être parfaitement sincère avec vous, cher lecteur, le train fut, pour ne pas dire pire, une déception. Évidemment, je savais que ça n’allait pas être l’Orient Express et son splendide luxe historique. J’avais vu des photos, lu des reviews, et je savais que le train était vieux, et n’était pas la joie visuelle dont on rêve habituellement. Mais quand même, je m’attendais à mieux. Les wagons datent des années 50. On dirait bien que la moquette d’origine est encore là, et youhou, de la crasse Vintage !?

Notre cabine de jour, les lits relevés

Non, tout n’était pas sale et répugnant. Les salles communes étaient propres. Notre cabine, quant à elle, paraissait avoir été nettoyée de la même façon qu’un serveur français nettoie une table à l’heure de pointe dans un bistrot parisien: pas très bien, avec un chiffon serpillière d’aspect douteux, et de très mauvaise grâce.

Le lavabo de notre cabine

Tout paraissait vieux et sinistre. Fatigué. Des tables et chaises modernes des années 70 étaient couvertes de taches incrustées et de fissures. Les fauteuils étaient démoralisés et éraflés. Les portes entre les wagons étaient tellement découragées et lourdes que la Chouette Blanche ne pouvait pas les ouvrir toute seule. Au contraire, leurs petites sœurs, les portes des cabines et salles de bain, étaient vigoureusement opposées à l’idée d’être fermées. Le train lui-même vrombissait, sifflait et grognait d’une manière singulièrement alarmante.

Notre wagon, vu de l’extérieur…

On nous distribua un verre de mousseux de bienvenue, ce qui dès le matin, ne m’a pas vraiment réconcilié, puis, après un petit déjeuner tardif, nous nous sommes installées dans un wagon salon où j’ai commencé à tricoter, devenant instantanément la favorite de la plupart des madames du train.

Encore un conseil pour vous, lecteur ! N’oubliez pas de prendre un bon livre, de la musique, et d’autres passe-temps, parce qu’il n’y a pas de Wifi dans le Canadien ! Pas de Wifi pendant 4 jours ! Pas de netflix, pas de spotify, ni d’email, ni même de Rambling Blue Owl !

Quant à moi, j’avais bien préparé mon affaire. Et tricoter, en écoutant un livre ou de la musique, et regardant le paysage qui défile en étant bercé par un train est perfection.

Je tricotais des mitaines roses fluo, si ça vous intéresse!

Perfection, dis-je ? Pas tout à fait ! Et ce, pour deux raisons.

La première raison était, de toute évidence, que j’étais inquiète pour la Chouette Blanche, qui était déconfite, déçue, et souffrante, bref, pas à son meilleur.

La deuxième raison était que nous étions en train de traverser l’Ontario, et je commençais à souffrir de claustrophobie. L’Ontario est essentiellement une grosse forêt, avec quelques lacs par ci par là. Très beau, me direz-vous. Cependant, après une journée entière passée dans un tunnel d’arbres filant à toute allure, le train me semblait rétrécir d’heure en heure, et je me sentais de plus en plus coincée dans une petite boîte de métal grinçante.

Des arbres !! Des arbres !!! Encore des aaaaaaaaarbres !!!!

A un certain point dans la soirée, c’était trop pour moi. Je commençais à murmurer des menaces et des jeux de mot sur hêtre ou ne pas hêtre, et sale bouleau, et à chercher une hache dans le train. Et si j’en avais trouvé une, je serai sûrement descendue en hurlant pour réduire la population arboricole.

Et pourtant, cher lecteur, j’aime les arbres !

Nous avons vu une femelle orignal. Elle regardait le train avec curiosité et beaucoup d’oreille. C’est chouette un orignal. Ça a des supers oreilles.

Note: si on suit le plan de Meurtre dans l’Orient Express, le meurtre devrait se produire ce soir. J’espère que c’est la gentille dame qui parle tellement fort. Elle est gentille, mais par Jupiter, je n’avais jamais entendu une véritable voix de stentor jusqu’à maintenant, et je peux vous dire que c’est tout un phénomène, et ça résonne beaucoup trop dans cette boîte de conserve, et dans ma tête!

Et pour finir, encore quelques arbres !