La Chouette Blanche et le Train

Je ne saurais pas dire avec précision le jour exact ou ma vénérable mère, la Chouette Blanche, m’a confié qu’elle rêvait de voir l’Océan Pacifique, mais je me souviens nettement que sa première question a été : est-ce possible d’y aller en train? Voyez-vous, et je sais que certains parmi vous partagent cette opinion, ma mère n’est pas une grande adoratrice des voyages par avion. Être en avion, selon elle, lui procure la sensation d’être enfermée dans un tube de métal géant, susceptible d’exploser dans une grosse boule de feu à tout moment, suspendu 10000m en l’air, ne tombant pas pour cause de “Sciences Physiques”, ce qui pour la Chouette Blanche semble être une très mince excuse.

“Est-ce qu’il n’y aurait pas un train ? demanda-t-elle. Un train comme l’Orient-Express, ou le Trans Sibérien? j’ai toujours rêvé de prendre un train comme ça!”

Comme c’était les 70 ans de ma chère Madre, j’ai décidé de marquer le coup et de flamber un budget double pour réaliser son rêve.

Cher lecteur, je vous présente ma Maman chérie, la Chouette Blanche

La phase de planification fut intense. En effet, la Chouette Blanche, bien que très aventureuse d’esprit, est très nerveuse et panique extrêmement facilement lorsque plongée dans l’action. Quand je voyage avec elle, ma devise est donc “Trop prêt n’est pas assez prêt”, et je fais essentiellement un programme horaire méticuleux, un itinéraire précis au mètre près, et un minimum de 30 plans secondaires, couvrant toutes les éventualités pour toutes les urgences possibles.

Je prend la planification très au sérieux !

J’aime bien faire ça. J’aime tellement planifier mes voyages que je le ferais presque pour mes amis, s’ils me laissaient faire, et si j’étais sûre que notre amitié survivrait à ma transformation temporaire en une sorte de sergent-major/horloge parlante pleine d’amour.

Peut-être un peu trop au sérieux…

Bref, j’avais planifié, organisé, arrangé pendant des heures, le tout était ratifié et approuvé par le comité privé de la Chouette Blanche, le planning était imprimé, tout était réservé et nous étions prêtes à partir.

C’est ainsi qu’à la mi-juin, la Chouette Blanche atterrit à Montréal, choquée et traumatisée comme à chaque fois qu’elle subit le vol transatlantique. Je lui avais prévu une semaine pour se remettre du décalage horaire, une autre semaine de préparations de dernière minute, et nous fûmes fin prêtes, armes et bagages emballés et pesés, fermement disposées à entamer notre nouvelle aventure Canadienne.

Le départ n’augurait rien de bon. J’ai commencé par oublier mon téléphone dans mon appartement, j’ai donc dû courir le chercher, et il nous a généreusement plu dessus, mais nous sommes arrivées à l’heure pour notre train. Non, pas le train, juste un train, parce que nous avons pris un train pour prendre le train.

Pas très clair peut-être ? Un peu trop technique sans doute ? Désolée !

Notre trajet Montréal-Toronto était en train, dans un train Via rail normal, alors que le Canadien (le train avec couchettes et restaurant dans lequel nous allons passer 4 jours) commence à Toronto et s’arrête à Vancouver.

La première photo floue prise à haute vitesse du voyage… Certainement pas la dernière !

Le Canadien (c’est son petit nom) était en retard. Et de ce que j’ai cru comprendre assez vite, c’est son état naturel. Ça aurait même été bizarre qu’il soit à l’heure. Voyez-vous, le Canadien voyage à travers ce gigantesque pays en utilisant les voies des trains de marchandises, et ce sont ces nombreux derniers qui sont prioritaires sur les 2 Canadiens qui passent par jour. Imaginez le Canadien comme un doux touriste rêveur flânant dans les rues de Manhattan, alors que les trains de marchandises sont les businessmen sérieux qui avancent rapidement dans les mêmes rues en bousculant tout le monde sur leur passage. Quoique cette métaphore risque de vous donner une idée erronée du nombre de trains qui passent au milieu du Canada….

Bref, ce que je voulais dire, avant de m’interrompre moi-même, c’était que le Canadien s’arrête très souvent pour laisser passer les trains de marchandise excessivement longs.

Dans notre cas, le train était supposé partir à 22h, et nous n’y avons mis les pieds qu’aux alentours d’1h du matin.

Nous avons attendu dans une grande salle d’attente, observant les gens autour de nous en nous demandant s’ils allaient être nos compagnons pour les 4 prochaines journées. Je suis courageusement partie explorer la gare de Toronto à la recherche de nourriture, ce qui n’est pas si facile, étant donné que cette gare est en reconstruction complète depuis au moins 4 ans – et je suis revenue victorieuse avec un grilled cheese, de l’ananas, et des cookies.

Il y eu quelques difficultés au moment du partage du butin avec la Chouette Blanche parce que nous étions 2, et il y avait 5 cookies. J’ai proposé un duel à mort pour le 5ième, mais mon honorable ancêtre m’a fait remarquer que c’était cruel de l’écraser brutalement à cette période avancée de sa vie, et nous l’avons coupé en deux.

Vue floue prise à haute vitesse du Lac Ontario

Nous étions très fatiguées quand le train est enfin arrivé et nous avons pu nous installer dans notre cabine. J’imagine que c’est pour ça que j’ai complètement oublié d’enregistrer nos valises. En conséquence, nos efforts de la semaine précédente pour mettre ce dont nous avions besoin pour le voyage en train dans une valise séparée ont été pour ainsi dire annulés, et nous avons été très encombrées les 4 jours suivants, ce qui, compte tenu de la taille réduite des cabines, était très ennuyeux.

Voici donc mon premier conseil pour vous, cher lecteur. C’est une très bonne idée de faire comme nous, c’est à dire de mettre ce dont vous avez besoin pour ces quatre jours dans une valise séparée. Vous n’aurez pas besoin de beaucoup d’affaires, et la cabine est tellement minuscule que vous serez heureux de l’espace supplémentaire. Ceci étant dit, une fois votre valise faite, ne soyez pas idiot comme moi ! Enregistrez vos autres bagages si vous en avez !