Comme vous le savez (parce que vous avez lu La Soirée de Célibataires), votre Chouette préférée est célibataire. Tellement célibataire que je ne dors jamais qu’en étoile de mer diagonale. Tellement célibataire, que, quand je dors en étoile de mer diagonale, je peux sortir mes deux pieds de chaque côté de la couette quand il fait trop chaud dans la chambre. C’est donc un peu difficile pour moi d’imaginer ce genre de chose, mais j’ai décidé de faire un exercice de fiction cette semaine…
Tenez-vous bien cher lecteur, car je vais vous demander d’aller au-delà de la limite de votre imagination, et de prétendre que quelque chose de tout simplement extraordinaire est arrivé : J’ai un rendez-vous.
Quelqu’un m’a proposé de sortir, et j’ai accidentellement dit oui, parce que j’avais compris qu’il avait dit quelque-chose-quelque-chose passoire, et j’ai dit oui par principe. Étant donné que c’est le genre d’erreur qui m’arrive une fois par année bissextile, à la pleine lune, quand les planètes ont un alignement propice, j’ai décidé d’y aller, ne serait-ce que pour apaiser la colère des dieux, et mes amis.
Le rituel est toujours le même.
Je commence par aller les voir (mes amis, pas les dieux), et je leur demande leur avis.
“Qu’est-ce que je devrais faire ? Et qu’est-ce que je devrais absolument ne pas faire ?
-Juste sois toi-même, dit ma douce, positive amie Marmotte. Tu es parfaite. Tu es formidable. Un vrai miracle de la création.
-Montre tes seins, interrompt le Tyrex.
-Sauf, peut-être… hésite la Marmotte. Ne parle pas trop de Doctor Who. Ni de Dickens. Ni de David Tennant. Shakespeare non plus. Tu sais quoi ? Juste pour être sûre, ne mentionne rien d’Anglais. Tu sais comme tu deviens quand tu parles de quelque chose d’Anglais…“
Les amis assemblés frémissent en cœur.
“N’écoute pas le Tyrex, soupire la Loutre. Tout va bien se passer Chouette, tu es très bien, ne t’inquiète pas, passe juste une bonne soirée. Mais peut-être….”
Puis la Loutre, en jetant un regard en biais aux autres, ajoute lentement:
“Peut-être, tu sais, essaie de manger proprement. Tu sais, comme une personne normale mangerait. Et essaie d’être raisonnable avec les gâteaux…“
Les amis acquiescent silencieusement.
“Et aussi, Chouette…. Essaie de ne pas être en retard”, dit le Panda.
En retard !! Je ne serai pas en retard ! Je ne suis jamais en retard !!! Je commencerai à me préparer très tôt pour être sûre.
D’abord, se laver pour sentir bon
Une fois sortie, s’essorer, se sécher les plumes…
Et les laisser dégonfler pendant un bon 30 minutes…
Donc, qu’est-ce que je pourrais bien mettre ?
C’est une question difficile. J’aurais dû me décider une semaine en avance, au moins. Là j’en suis à sortir des choses de mes tiroirs, réaliser qu’elles sont trop petites pour moi, et les jeter par terre.
Pourquoi est-ce qu’on ne vit pas dans un monde dystopien où tout le monde porte un maudit uniforme ? Tant qu’il est bleu.
Ça serait beaucoup plus facile.
Il y aurait une cérémonie pour choisir sa faction, bien entendu.
”Et vous, Chouette née dans la région – pauvre et durement éprouvée, mais fière – du 42ème secteur, quelque faction choisissez-vous ? Parlez maintenant !!
-Je choisis…. Je choisis celle avec l’uniforme bleu, Ô Grand Consul Tout Puissant !
-Vous choisissez donc la plus périlleuse de toutes, oh précieux oiseau nocturne, car c’est la faction du Ciel, et vous suivrez un entraînement tellement difficile que beaucoup n’y survivent point, le tout dans le but grandiose d’apprendre à nettoyer nos ciels. En effet, par les pouvoirs qui me sont accordés par le Grand Conseil des Régions Sectorisées, je fais de vous aujourd’hui un Gratte-Ciel!!!”
La foule rugit.
Oh non – quelles terribles épreuves attendent la Chouette, quelle adversité, et le mépris moqueur de ces ennemis qui ne croient pas qu’une pauvre Chouette du 42ème secteur peut devenir quoi que ce soit d’autre qu’un Drade-Dessous (les malheureux de la faction des Dessous, qui est en charge des égouts et des caves). Oh, la pauvre Chouette souffre donc tant, et travaille si fort ! Mais attention !! Regardez la attentivement, tandis qu’avec l’aide d’un gentil-bien-que-rustre-et-vieux compagnon, elle s’améliore un peu chaque jour. Et par une audacieuse combinaison de labeur intense, de talent, et d’idées visionnaires, la voici qui devient le meilleur Gratte-Ciel qui n’a jamais été, et elle est à présent applaudie dans toutes les factions pour ses fabuleuses prouesses de nettoyage de ciel. Et quand le monde est en péril parce qu’une monstrueuse gigantesque limace du Ciel détruit tout et dévore l’azur étincelant, qui appellent-ils à la rescousse ?
Ô Grande Chouette, le futur de notre monde repose sur tes seules épaules, et…
Merde, je vais être en retard.
Euh, bien, alors, Chouette, ne panique pas, tu sais que quand tu paniques, tu cours en rond les bras en l’air, et c’est totalement inutile, habille-toi n’importe comment avec ce que tu trouves, et vas-y.
Ah, et comment j’y vais ?
Mmmh, je pourrais marcher, mais je suis en retard. Je vais attendre le bus du coup.
… (15 minutes plus tard) …
Bon, finalement, je vais marcher.
(en courant) Ohlalalala, je suis tellement en retard…. Comment est-ce que je pourrais m’excuser ?
Désolée, j’ai attendu le bus longtemps, et…
Désolée, je suis allée au mauvais restaurant, et j’étais totalement à l’heure, mais au restaurant qui s’appelle Le Canard Rieur, et pas Le Chasseur qui Pleure…
Désolée, le gouvernement avait besoin de moi pour sauver le monde d’une limace de l’espace géante qui mangeait le Ciel.
Euh, attend, mais comment je me suis habillée ? J’ai la sensation d’avoir oublié de mettre quelque chose…
Bon en plus, je vais être rouge et transpirante d’avoir couru avant même d’avoir eu le temps d’être rouge et transpirante de stress…
Je ne peux même pas suivre le conseil du Tyrex, je ne suis pas un mammifère… Puis, pourquoi j’y vais ? Je ne veux pas y aller ! Je ne vais pas y aller ! Je vais changer de pays, et changer de nom et…
Je suis arrivée…
Ici s’arrête mon imagination – il reste à savoir avec quel genre d’animal la Chouette pourrait avoir un rendez-vous… Un cochon ? Un loup ? Un ours ? À vous de me le dire, et j’écrirais la suite !