Aujourd’hui, c’est une histoire tragique qui vous attend. Une histoire qui ne m’épargne pas, et qui lève un coin du voile sur un aspect de ma vie dont j’ai grandement honte.
J’ai accidentellement torturé, mutilé, et assassiné plusieurs plantes en pot.
Non chers lecteurs, vous êtes maintenant, à juste titre, outré, mais ne vous arrêtez pas pour autant ! Je fais aujourd’hui de grands efforts pour rétablir cette terrible erreur. Le règne végétal n’a, à présent, rien à craindre de moi. Je traite chacune des plantes que je rencontre, des plus grandes au plus petites, avec respect, amour, et une conscience particulière de leurs difficultés motrices.
Hélas, avant que j’en arrive là, il a fallu que beaucoup d’innocentes plantes en pot paient de leur vie… J’étais en effet inconsciente des horreurs que je commettais à leur égard, jusqu’au jour où, une nuit, je me suis levée pour boire un verre d’eau, et dans le silence de ma cuisine, j’ai entendu Basile 5, mon plant de basilic, chanter cette terrible complainte:
La complainte de Basile
Je suis à sa merci, prisonnier de mon pot
Elle me maintient en vie en me donnant de l’eau
Elle me place au soleil, me susurre des mots doux,
Me caresse tendrement et m’appelle Chouchou.
Je frémis de penser qu’elle soit si cruelle:
Sans scrupule elle m’arrache les feuilles les plus belles
Avec un rire féroce, les froissant dans ses mains,
Elle dit ”mon cher Basile, j’aime tant ton parfum”
Elle me dit:
“Basile, mon Basilic,
Je prendrais soin de toi
Avec amour, Basile
En échange donne moi
Une ou deux feuilles, Basile
Pour égayer mes plats”
Hélas, une ou deux feuilles! C’est par poignées entières
Qu’elle mutile mon plant, et si ça continue,
Je ne serai qu’un tronc, quelques tiges perdues,
Une racine morte dans une jardinière.
Il aurait mieux valu vivre au bord d’une route,
Dépendant de la pluie, priant pour chaque goutte,
Qu’être ainsi torturé par la main qui m’arrose,
Avoir pour seul ami le bourreau qui m’oppose.
Elle me dit:
“Basile, mon Basilic,
Je prendrais soin de toi
Avec amour, Basile
En échange donne moi
Une ou deux feuilles, Basile
Pour garnir mes pizzas”
Mes pousses sont flétries et mes jours sont comptés
Ce n’est pas sur mon sort que je sanglote en vain
C’est sur la certitude de n’être pas premier
Et de ne pas pouvoir alerter le prochain
Je l’ai entendue dire à d’autres détenus
Tandis qu’elle dévorait mes membres hachés menus
“Basile 2,3 et 4 étaient plus résistants
Demain il faudra que j’achète le suivant.”